27 août 2018 Admin

Téléconsultation : la médecine se généralise enfin

Par Eric Favereau — 27 août 2018

La télémédecine va bénéficier d’un cadre légal dès le 15 septembre et sera ainsi remboursée. Une façon de répondre au défi des déserts médicaux et de favoriser le suivi des patients par différents praticiens.

C’est la rentrée de la télémédecine. ­Mi-septembre, elle ­entre en vigueur après l’accord signé en juin par la totalité des syndicats de médecins (ce qui est rarissime) et l’assurance maladie. Un accord qui est tout sauf anecdotique car le développement futur de la télémédecine peut apporter une réponse aux faiblesses actuelles du système de santé, coincé entre les difficultés d’accès aux soins, le suivi des malades de plus en plus âgés, et enfin l’accroissement continu du nombre des maladies chroniques : faut-il rappeler que plus de 10 millions de patients en 2016 souffraient d’une affection longue durée (ALD) ? Dans les faits, deux catégories d’actes sont créées : la téléconsultation et la télé-expertise.

La téléconsultation

Le but, non seulement simplifier l’accès à un docteur pour des patients ayant du mal à se déplacer, mais aussi apporter une réponse dans des régions désertées par les praticiens. Désormais, donc, tout assuré, quel que soit son lieu de résidence, et tout professionnel, quelle que soit sa spécialité, pourront recourir à ce type de consultation. ­Ladite téléconsultation devra néanmoins transiter par le médecin traitant du patient. «Sur le plan technologique, celle-ci repose sur deux exigences : d’une part, le recours à un échange vidéo – exigé par la loi, pour garantir la qualité des échanges entre le médecin et le patient via une bonne résolution d’image – et, d’autre part, la connexion à une solution sécurisée, exigence essentielle dans la mesure où ­la téléconsultation fait transiter des informations à caractère médical dont la confi­dentialité doit être protégée», a expliqué l’assurance ­maladie.

Dans tous les cas, cette ­téléconsultation se déroulera comme n’importe quelle autre consultation. Elle ­commencera ainsi par une demande de rendez-vous. C’est le mé­decin qui enverra un lien au patient, l’invitant à se ­connecter sur un site ou une application sécurisés via son ordinateur ou une tablette équipée d’une webcam. Les patients qui n’ont pas d’accès à Internet ou ne sont pas à l’aise avec ces technologies pourront être assistés par un autre professionnel de santé équipé, comme un pharmacien ou une infirmière venant à domicile. Le patient pourra également se rendre dans une cabine de téléconsultation installée à proximité. «Ce type de cabine est déjà en cours de déploiement dans les maisons de santé, dans les pharmacies ou dans d’autres lieux publics fa­cilement ­accessibles aux ­patients», ­selon la Sécurité ­sociale. Par ailleurs, la téléconsultation sera facturée par le mé­decin 25 euros, c’est-à-dire le tarif normal, et elle sera prise en charge comme une ­consultation classique.

La télé-expertise

Elle arrive, mais un peu plus tard, à partir de février, et son but est de permettre à un médecin d’en consulter un autre sur le dossier d’un patient ; elle peut ainsi im­pliquer un généraliste et un spécialiste, mais aussi deux médecins spécialistes, les deux ayant besoin de ­discuter, par exemple sur un diagnostic ou une lecture ­d’analyses, voire la pertinence d’examens complémentaires.

Pour la Sécurité sociale, «elle sera dans un premier temps réservée aux patients en affection longue durée ou atteints de maladie rare résidant en zones dites sous-denses et dès lors qu’ils n’ont pas de médecin traitant ou ­rencontrent des difficultés à consulter rapidement, résidant en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes [Ehpad, ndlr] ou dans des structures médico-sociales». Au total, cela concernera 21,7 millions de Français. Puis elle sera élargie à tous les patients à partir de 2020.

Contrairement à la télé­consultation, la télé-expertise n’exige pas d’échange ­vidéo : elle consiste en un dialogue – en direct ou en différé – entre deux médecins, via une messagerie sécurisée. «Déjà utilisée par 50 % des praticiens libéraux, le médecin demandant une télé-expertise préviendra le patient afin de recueillir son consentement, dans le respect absolu de sa liberté de choix», note l’assurance maladie.

Cette pra­tique n’est pas franchement nouvelle, elle existe déjà de façon informelle. Mais elle sera désormais tracée, avec un cadre, et surtout elle sera facturée. C’est la grande nouveauté, les médecins qui auront recours à la télé-expertise seront rémunérés par l’assurance ma­ladie, cet acte n’étant évidemment pas facturé au patient concerné. Le premier niveau de télé-expertise sera payé 12 euros pour le médecin sollicité, par exemple pour la lecture d’un fond d’œil ou l’examen d’un tympan ; le deuxième 20 euros, ­notamment pour la surveillance d’une plaie chronique en voie d’aggravation ou le suivi d’évolution d’une maladie inflammatoire chronique intestinale ou rhuma­tologique. Le médecin qui sollicite un confrère sera également rémunéré par l’assurance maladie : 5 euros par ­télé-expertise de niveau 1, et 10 euros par télé-expertise de niveau 2.

Peu à peu, la médecine se met ainsi à l’heure des nouvelles technologies. Le directeur de l’assurance maladie, Nicolas Revel, l’a récemment concédé : «Après tant d’années de tâtonnement, la télémédecine se met enfin en place en France.» Certes… Mais tout cela prendra une véritable ampleur quand le fameux dossier médical ­partagé, dont bénéficiera chaque patient, sera géné­ralisé. Ce qui est loin d’être le cas.