20 octobre 2021 Admin

Santé : au secours, le « monde d’avant » est de retour !

Opinion / Par Nicolas Boudeville (Président du groupe de pôles de santé Sagéo)

Publié le 20 oct. 2021

Le budget de la « Sécu » pour 2022 fait renouer notre système de santé avec ses problèmes endémiques, déplore le président de Sagéo, dans une tribune. Selon lui, il faudrait amplifier les mesures qui avaient été décidées avant la pandémie. Explications.


Une salle d’attente du service d’urgence de l’hôpital Trousseau de Tours. (Guillaume Souvant/AFP)

Par Nicolas Boudeville (président du groupe de maisons de santé Sagéo)
Publié le 20 oct. 2021

Alors que le recul actuel du Covid-19 fait déjà dire à certains experts que la pandémie est peut-être derrière nous, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 fait renouer notre système de santé avec ses problèmes endémiques.

Des récentes grèves de SOS Médecins aux déserts médicaux en passant par le partage du risque ou la coordination des professionnels, les défis de l’offre de soins demeurent. Parmi ceux-là, trois enjeux majeurs appellent à poursuivre les réformes engagées avant les confinements de 2020.

  • Les patients

Le premier d’entre eux concerne les patients, qui continuent de subir le recul de la médecine de ville (baisse de 7 % du nombre de généralistes entre 2012 et 2021). Comme les campagnes, la désertification médicale frappe les villes, où la hausse des loyers et les départs en retraite de nombreux professionnels augmentent les délais de rendez-vous.

Cette situation créée des inégalités au point que 5 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, en particulier à la périphérie des métropoles où le manque de praticiens en secteur 1 est criant.

S’ils entendent être mieux suivis, les patients souhaitent aussi devenir de véritables acteurs de leur parcours de soins. L’automédication (8 Français sur 10 y ont recours), l’essor de la santé numérique (350.000 applications), l’émergence des associations de malades, le recours croissant au « deuxième avis » médical et la volonté d’évaluer les professionnels confèrent aux patients un rôle bien plus actif.

  • Les patriciens

Le deuxième défi concerne les praticiens, dont la mutation générationnelle doit être mieux adressée. Malgré les efforts fournis par l’Assurance-maladie et les collectivités locales, les jeunes médecins n’expriment pas seulement des motivations financières.

Sur les conditions d’exercice, ils privilégient le salariat et veulent être déchargés du fardeau juridique et administratif, sont rebutés par l’illisibilité des dispositifs de coordination professionnelle, rejettent les journées à rallonge et préservent leurs congés.

Sur leur approche métier, ils utilisent pleinement les outils numériques pour gagner du temps de dialogue avec leurs patients. Face aux besoins de la société (ex : santé mentale), ils promeuvent la pluridisciplinarité et le lien avec les paramédicaux (kinésithérapeutes, psychologues, nutritionnistes, infirmiers, sages-femmes…), dont les tâches sont élargies et le rôle mieux reconnu.

  • L’hôpital

Le troisième enjeu de notre système de soins : l’hôpital. Nous ne revenons pas au modèle du tout curatif qui finit par saturer les plateaux techniques tout en augmentant leur coût et néglige des soins de proximité pourtant vitaux aujourd’hui.

Le vieillissement de la population française appelle à miser sur le dépistage primaire, dont la qualité ne cesse de progresser grâce à l’intelligence artificielle et aux technologies. A ce propos, l’explosion des téléconsultations prouve que la société a adopté ces outils sans remplacer pour autant le praticien, en particulier dans son rôle de conseil. Cette dimension numérique du parcours de soins va enfin mieux relier le médecin traitant au chirurgien hospitalier, au psychiatre et au pharmacien, afin de suivre l’observance des traitements.

Il revient maintenant à l’Assurance-maladie de réussir le lancement de l’espace numérique de santé, en retenant les leçons du dossier médical partagé et en assurant une coordination avec les plateformes tierces.

Renforcer l’évaluation et la satisfaction patient, intégrer les nouvelles aspirations des professionnels, amplifier la déshospitalisation des urgences non vitales tout en reliant les professionnels grâce à un véritable carnet de santé numérique, simplifier la coordination, faciliter l’expérimentation locale et l’innovation… Autant d’initiatives qui avaient été prises avant la crise épidémique, qu’il convient d’amplifier sans attendre.

Nicolas Boudeville est président du groupe de pôles de santé Sagéo.