LES ECHOS, 9/03/2020
Par Nicolas Boudeville, Président du Groupe de Maisons de Santé SAGEO et Arnaud Robinet, Maire de Reims, Membre du Comité Scientifique de SAGEO
Le gouvernement a annoncé un effort considérable en soutien aux urgences hospitalières (hausse du budget de 1,5 milliard d’euros, reprise du tiers de la dette par l’Etat, revalorisations salariales…). Si elles sont indispensables à court terme, ces mesures doivent être complétées par une réflexion stratégique sur les causes de la crise actuelle et sur les solutions à apporter à long terme.
Tout d’abord, un constat lucide s’impose : l’hôpital public atteint la saturation car il supporte l’essentiel du parcours de soins alors que ses contraintes budgétaires se multiplient. En effet, l’accès à la médecine de ville s’est dégradé : en huit ans, le délai d’obtention d’un rendez-vous avec un spécialiste est passé de 44 à 67 jours et certains médecins traitants accompagnent jusqu’à 900 patients. Quant aux déserts médicaux, les aires urbaines sont désormais aussi touchées que les milieux ruraux (–25 % de généralistes à Paris depuis
2010). Rétifs face au manque d’attractivité de certains territoires isolés ou la cherté des loyers des métropoles, les jeunes médecins souhaitent exercer leur activité avec moins de contraintes administratives et davantage de souplesse.
Leurs aspirations étant souvent insatisfaites, les départs à la retraite des généralistes sont de moins en moins remplacés (25 % des médecins ont plus de 60 ans). L’hôpital se retrouve donc en première ligne et accueille un nombre croissant de patients pouvant être pris en charge par les cabinets médicaux (43 % des arrivées aux urgences, selon le ministère de la Santé). Le gouvernement est ainsi obligé de débloquer des crédits exceptionnels, entraînant du même coup une dérive budgétaire de l’Ondam hospitalier (+2,4 % pour 2020 au lieu de 2,1 %, comme annoncé en octobre dernier).
Repositionner le généraliste ainsi que le patient au coeur de la chaîne de soins.
Notre système de santé doit donc choisir entre deux orientations : soit la poursuite des dépenses au service d’un modèle hospitalo-centré, dont le service médical sera inégal et rapidement dépassé ; soit le pari d’une médecine de proximité performante, ancrée dans le territoire et reliée aux hôpitaux comme aux cliniques. Ce modèle implique la réalisation d’un plateau homogène et intégré, autour d’une infrastructure technique et numérique de pointe. Praticiens, élus, investisseurs et économistes, nous avons pensé Sagéo dans ce but, sur la base de partenariats solides avec des généralistes, des groupes de spécialistes de dimension nationale (ophtalmologie, radiologie, laboratoires médicaux, dentistes…) et des paramédicaux, auxquels nous assurons une meilleure rémunération.
Cette nouvelle structure, déployée sur trois sites d’ici au printemps 2020, va constituer un avant-poste hospitalier capable de désengorger les urgences et d’assurer le suivi post-opératoire. Le remboursement des téléconsultations, le déploiement du dossier médical partagé (DMP) et les outils numériques sont l’occasion de repositionner le généraliste ainsi que le patient au coeur de la chaîne de soins, en rompant avec les travers du modèle français comme le transport sanitaire et la mauvaise observance des traitements (6 Français sur 10 ne suivent pas les prescriptions de leur médecin).
Notre société vieillit, ce qui appelle à mieux anticiper le traitement des maladies chroniques. En 2020, ces dernières concerneront 550.000 personnes supplémentaires par rapport à 2015, avec une augmentation importante des maladies cardio-vasculaires (+13 %) et respiratoires (+10 %), tandis que plus de 4 millions de personnes seront touchées par le diabète. Dès lors, les maisons de santé connectées pourront faciliter le maintien à domicile et la prise en charge précoce des pathologies, grâce à des outils de détection connectés associant le patient, l’hôpital et la maison de santé. La prévention implique enfin la reconnaissance de l’activité physique,
ce que le gouvernement encourage à travers l’appel à projets de 100 maisons sport-santé. Nicolas Boudeville est président du groupe de maisons de santé Sagéo. Arnaud Robinet est maire de Reims, membre du comité scientifique de Sagéo, président de la Fédération hospitalière de France Grand Est.